SOCIOLOGIE VISUELLE DES DOMINATIONS COLONIALES ET POSTCOLONIALES

La sociologie visuelle s’est développée en adoptant une perspective résolument critique sur les rapports sociaux de classe, de genre et de race et sur les processus de domination dans leur grande diversité (Harper 2012, Mattioli 2015, Sebag et Durand 2020, Vander Gucht 2017). Les conditions de vie des subalternes, le travail en tant que rapport de production et la ville comme produit et révélatrice d’inégalités constituent par exemple quelques-uns des objets centraux de cette forme de sociologie mobilisant l’image dans la construction de l’objet, dans l’écriture et dans la restitution des résultats. La focale sur ces objets peut s’expliquer par leur caractère intrinsèquement « visuel » ou « graphique » mais elle s’explique également par le compagnonnage de la sociologie visuelle avec le champ des politiques sociales et le travail social : dans le cas étasunien par exemple, la question de la pauvreté dans les mondes ruraux a pu être traitée par le biais de la sociologie visuelle grâce au soutien de la philanthropie et de l’administration fédérale dans le contexte du New Deal (Harper 2012). Cette focale peut également s’expliquer par la propension de la photographie documentaire et du cinéma dans leurs différentes formes à se saisir de ces objets et donc à paver la voie à la sociologie visuelle.

Durant la journée d’étude « Sociologie visuelle des dominations coloniales et postcoloniales », nous souhaitons nous retrouver autour de quelques travaux de sociologie visuelle et quelques films qui interrogent les dominations et plus particulièrement celles fondées sur les rapports sociaux de race dans des contextes coloniaux et postcoloniaux. L’intention est triple : il s’agit tout d’abord d’interroger ce que pourrait être une sociologie visuelle des dominations coloniales et postcoloniales, et donc d’interroger la manière dont celle-ci pourrait dialoguer en même temps que compléter la tradition en sociologie visuelle ; il s’agit ensuite de se saisir des rapports sociaux de race, notamment dans les mondes coloniaux et postcoloniaux, afin de comprendre les manières dont s’articulent les enjeux de politisation et de visibilisation de ces rapports sociaux ; il s’agit enfin de faire dialoguer sociologie visuelle et approches artistiques des rapports sociaux en invitant un ou plusieurs réalisateur·ice·s à venir échanger avec des sociologues ayant mobilisé l’image dans leurs enquêtes.